Springeurop Paper 5

 


 

Pour une Europe plus proche de jeunes !

 

Sommaire

Spring est un groupe de réflexion privé qui recherche au niveau citoyen des pistes nouvelles pour relancer l’Europe . Alors que le chômage des jeunes est supérieur à 20% dans plusieurs pays européens , ce quatrième papier se concentre sur deux études quantitatives récentes du Parlement Européen et du Word Econonic Forum ainsi que sur une vingtaine d’interviews qualitatifs menés par les membres Spring auprès de jeunes de 18 à 35 ans . Ces analyses révèlent les préoccupations majeures des jeunes mais aussi des recommandations d’actions concrètes en vue de susciter à nouveau leur enthousiasme vis-à-vis de l’Europe . Parmi les priorités citées par les jeunes , épinglons le défi du changement climatique , des conflits à grande échelle , les inégalités en matière de revenus ou le manque de transparence des gouvernements . Une ONG de jeunes déclare dans un récent document « Notre Europe est une force positive mais pourquoi est elle incapable de communiquer ses succès à ses concitoyens ? « . Il est révélateur de constater que les jeunes recommandent entre autres que l’ Europe adopte une gouvernance beaucoup plus simplifiée de ses institutions , l’introduction de key performance indicators pour ses fonctionnaires , une amélioration drastique de sa communication sur son fonctionnement et surtout ses réalisations utiles aux citoyens . Soulignons également comme autre recommandation la nécessité de doubler les budgets de formation des jeunes et d’étendre un programme Erasmus « For All » . En guise de conclusion , ce papier appelle l’UE à être l’institution qui recrée l’enthousiasme en communiquant mieux et en impliquant davantage les jeunes , transcende les clivages et petits jeux politiciens et enfin propose des solutions concrètes en vue d’ameliorer notre modèle économique et sociétal .


Préliminaire

Notre société est à la fin d'un cycle, un cycle où il a d'abord fallu reconstruire après la guerre, puis où on a pu consommer et utiliser les ressources naturelles sans trop se poser de questions. Cette consommation sans frein, couplée à un accroissement exponentiel de la population humaine, épuisent notre terre, qui ne peut plus renouveler ses ressources au rythme de leur consommation. Les autres conséquences de la consommation sans frein sont le réchauffement climatique, qui devient de plus en plus évident, et la pollution de l’air, des terres, et des eaux.


On parle beaucoup de l'intelligence artificielle, qui va remplacer de nombreux emplois, surtout dans nos pays développés. Après la robotisation en usine, qui a éliminé de nombreux emplois dans l’industrie, les développements en cours vont rendre caducs un grand nombre d’emplois dits de col blanc.


A cela s’ajoute l’influence des Big tech’s GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) qui finissent par court-circuiter toute une série d’intermédiaires entre le producteur de bien ou de service et l’utilisateur final.


Il y aura bien-sûr beaucoup de nouveaux jobs, dans ce qu'on appelle l'économie circulaire, les nouvelles énergies, l'habitat performant, l’informatique, la conception et construction des métropoles du futur, les services à la personne, etc..., mais il est probable que le nombre de nouveaux emplois créés grâce aux nouvelles technologies ne remplacera pas les emplois perdus.


Le chômage des jeunes est catastrophique à travers l’Europe. En 2014 il était supérieur à 20% dans tous les pays, à l’exception de l’Allemagne, de l’Autriche et des Pays-Bas. Il est aujourd’hui descendu sous ce seuil en Pologne, République Tchèque, GD de Luxembourg, Danemark, Suisse et Norvège, mais même la Suède et la Finlande, qui sont souvent donnés en exemple de systèmes d'éducation ont encore plus de 20% de jeunes chômeurs.


L’avenir est donc incertain, et il est temps pour l’Europe de se pencher sur le futur, d’en construire et proposer une vision positive, et de transmettre progressivement mais sans tarder les rênes du pouvoir à la jeunesse.


Priorités et préoccupations des jeunes

Dans une enquête d’opinions menée en 2017 par le parlement européen dans les 28 pays membres (1), il a été demandé à des citoyens de tous âges de donner les trois domaines dans lesquels le rôle de l’UE doit être prioritaire. 44% des répondants citent la préservation des libertés et droits fondamentaux, 36% la liberté de voyager, travailler et étudier à travers l’UE, et ensuite, autour de 33%, les aspects socio-économiques relatifs au droit du travail, des pensions adéquates et sécurisées, prospérité et bien-être économique. Comme on peut s’y attendre, l’ordre des priorités varie, les pays les plus prospères ayant tendance à prioriser la protection des libertés, les autres les aspects socio-économiques, et principalement les droits du travail. Les répondants belges et maltais, quant à eux, donnent la priorité à la protection du climat.


Une autre enquête de 2017, menée par le World Economic Forum (2), auprès de jeunes de 18- 35 ans dans 186 pays du monde donne comme préoccupations principales de ces jeunes, dans l’ordre :

  1. Le changement climatique, la destruction de la nature

  2. Les conflits à grande échelle, les guerres

  3. Les inégalités (revenus, discrimination)

  4. La pauvreté

  5. Les conflits religieux

  6. Le manque de transparence des gouvernements, le fait qu’ils ne doivent pas rendre de comptes, la corruption.


Ces jeunes marquent une défiance prononcée vis-à-vis des gouvernements nationaux, des grosses compagnies, des banques, des institutions religieuses, des médias. Ils font confiance au milieu académique, aux organisations internationales, à leur employeur, et un peu moins à la justice.


Un document de l’European Youth Forum (3) donne leur vision de la jeunesse pour l’avenir de l’Europe. Ce papier est plutôt revendicateur et idéaliste. Il n’est pas certain qu’il représente les préoccupations de l’ensemble de la jeunesse européenne, mais il contient beaucoup d’affirmations tant préoccupantes que porteuses d’espoir.

  • Nous sommes fâchés d’être la génération sacrifiée par le progrès.

  • Dans notre vision de l’Europe, les politiques se dressent au-dessus des intérêts

    individuels et elles sont fondées sur des valeurs et des idéaux.

  • Notre Europe est une Europe qui œuvre au bien-être des individus et de la planète.

  • C’est notre droit d’être entendus

  • Nous voyons une Europe visionnaire, mais la plupart ne la voient pas : pourquoi

    l’Europe est-elle incapable de communiquer ses succès à ses citoyens ?

  • Nous vivons à une époque où les gens n’arrivent pas à vivre une vie décente bien

    qu’ils travaillent comme des fous.

  • Nous rêvons d’une Europe où nous nous sentons en sécurité à tout moment et n’importe où

  • Notre Europe est une Europe qui nous fait rêver, qui nous donne l’espoir d’un avenir meilleur pour nous et nos enfants. Elle est une force positive.

  • Nous, les jeunes, sommes solidaires, nous collaborons et nous entraidons malgré nos différences.


Une Europe peu comprise et au rôle méconnu

Les membres de Spring (4) ont interrogé mi-2017 une vingtaine de jeunes (universitaires et moins favorisés) sur leurs perceptions de l’Union Européenne et recommandations d’actions concrètes.


Vu l’échantillon limité, l’analyse est qualitative et donne malgré tout quelques pistes intéressantes.

Sur leur perception du rôle positif joué par l’Union Européenne, les jeunes citent la force mondiale que représente (ou devrait représenter) le fait d’être unis ; les collaborations scientifiques, académiques, industrielles ; les valeurs de paix, prospérité, solidarité, justice sociale portées par l’UE ; la libre circulation des biens et personnes ; les normes de qualité, le libre-échange.


Les points négatifs sont assez nombreux : une bureaucratie excessive, trop chère, trop bien payée, et sous l’influence des lobbies ; la difficulté à avancer à 28 suite à un élargissement trop rapide ; une UE trop mercantile ; une UE immobile, car trop freinée par les intérêts nationaux ; une UE absente de la vie quotidienne, dont le rôle est méconnu ou peu compris ; un manque de leadership et de vision à terme ; un excès de règles au détriment des PME, ce qui profite aux multinationales ; fiscalité déloyale et absence d’action contre les paradis fiscaux ; projet inabouti tant sur le plan financier que politique ; manque de financement de l’éducation, des R&D, des start-ups, avec pour corollaire la fuite des cerveaux et le vieillissement des idées autant que de la population.


Il est notoire que les jeunes marquent peu d’intérêt pour l’Europe. Des raisons invoquées sont : institution opaque, compliquée, confuse, les rôles respectifs des Conseil, Commission, Parlement étant peu compréhensibles ; les eurocrates vivent dans leur bulle, dans un monde éloigné du quotidien des Européens ; manque de visibilité, gros machin distant des jeunes et ne leur donnant pas d’espoir ; désintérêt général de la politique, dont l’UE est un paroxysme ; attaques répétées des politiciens nationaux, qui rejettent la faute sur Bruxelles lorsqu’ils ont un problème ; sentiment d'appartenance à l'Europe très faible, en second plan du sentiment d'appartenance national ; insupportable de voir l’UE incapable de faire payer aux grands groupes US leur juste part d’impôts alors qu’ils fleurissent sur son marché.


Recommandations d’actions

Les jeunes interrogés proposent une dizaine d’actions concrètes pour ramener l’enthousiasme des jeunes vis-à-vis de l’Europe :


  1. Gouvernance simplifiée : un seul organe de décision avec des ministres compétents au pouvoir réel et un président européen fort, plus un parlement pour
    légiférer. Élection directe du président avec un programme et un mandat clairs, s'engageant sur un plan d'action proche des préoccupations réelles des citoyens.
  2. Revoir les salaires et avantages des fonctionnaires et dirigeants européens qui sont trop élevés par rapport à leurs collègues nationaux, et introduction de « key performance indicators » ( KPF ). Travailler avec un personnel politique irréprochable et compétent pour regagner la confiance des citoyens et leur redonner le goût du travail. Nous démontrer qu'un parlementaire européen travaille vraiment.

  3. Améliorer drastiquement le marketing et la communication de l'UE. Mieux informer les jeunes sur le fonctionnement des institutions et leurs répercussions dans la vie quotidienne des citoyens. Mieux communiquer dans la volonté de changement avec des décisions tranchées.

  4. Doubler les budgets de formation des jeunes et étendre un programme Erasmus "For All" pour mieux préparer les futurs citoyens européens. Instaurer des cours de cultures et de langues européennes dans les écoles dès le plus jeune âge.

  5. Encourager au niveau marketing et fiscal le " Made in Europe ". Instaurer l'harmonisation fiscale au niveau EU. Accélérer les initiatives entrepreneuriales et joint-ventures pan-européennes.

  6. Travailler pour l'Europe de demain en laissant à nos enfants un continent propre et sans dettes. Inclure les jeunes dans les processus décisionnels les touchant directement (consultations, groupes de parole ...).

  7. Instaurer une Europe de La Défense avec obligation de service militaire inter-nation à prester dans un pays membre autre que le sien.

  8. Plus de délocalisation des institutions, de présence locale et de contact avec les citoyens. Abandonner les activités qui peuvent rester sous la responsabilité des Etats.

  9. L'Europe a besoin d'une charte simple qui explique mieux ses engagements prioritaires avec vision, valeurs, bases décisionnelles et mesure de ses succès


Quelques jeunes de milieux défavorisés ont également été interrogés. Pour intéresser les jeunes à l’Europe ils trouvent qu’elle doit :

  • Encourager fortement la création d'emploi sur l'ensemble du territoire européen

  • Créer plus de justice sociale entre les différents citoyens des états membres

  • Gérer plus efficacement les crises (économiques, migratoires, ....)

  • Communiquer adéquatement

  • Donner aux jeunes l’accès à la parole

  • Apporter des solutions qui répondent à leurs attentes spécifiques (et non un langage

    capitaliste, orienté société de consommation)

  • Expliquer pourquoi aller voter aux élections européennes changera les choses

  • Il y a beaucoup de zones d’ombre dans l’UE, de choses que l’on ne sait pas ! Y a-t-il

    des choses à cacher ?

  • L’UE doit faire en sorte que la concurrence entre l’Ouest et l’Est reparte sur des bases loyales, arrêter le dumping social.


Pour une meilleure communication et réflexion d’avenir

Il est clair que pour ramener les jeunes à elle, l’UE doit revoir sa structure et la rendre plus claire, mieux hiérarchisée, avec des représentants et un président élus démocratiquement. Sa bureaucratie doit être allégée, rendue moins chère, et plus indépendante des groupes de pression. Elle doit sortir de sa bulle et communiquer plus efficacement. Et surtout, elle doit adresser cet avenir plein d’incertitude auquel les jeunes font face.


Comment construire une Europe à la fois économiquement florissante et socialement équitable ? Comment trouver un juste milieu entre le néo-libéralisme qui a amené à une concentration sans précédent des richesses et un appauvrissement progressif des classes moyennes, et des systèmes de redistribution excessive, qui finissent par appauvrir tout le monde? Il faut aussi se garder des populismes qui apportent des soi-disant solutions, simplistes, à des problèmes compliqués et ne font en final que monter les gens les uns contre les autres.


Donner aux jeunes une éducation, une formation, adaptée à notre monde en pleine mutation, qui leur permette de trouver un emploi valorisant et prendre leur place dans la société est de toute évidence un premier pas indispensable, mais au-delà, c’est tout notre modèle économique et sociétal qui doit faire l’objet d’une réflexion ouverte, sans passion ni partis-pris, menée par des gens compétents et visionnaires, dont un nombre suffisant de jeunes.

La réflexion doit aller beaucoup plus loin que la simple création de jobs. Il faut définir des objectifs d’avenir, recréer de l’enthousiasme. Il faut retrouver un idéal commun, montrer qu'il est possible de bâtir ensemble un monde de paix où il fait bon vivre. L'UE peut avoir un rôle positif à jouer en étant l'organisateur de la réflexion, le moteur dans l'apport d'orientations et de solutions pour offrir un avenir aux jeunes.


Aujourd'hui nos démocraties sont enfermées dans les petits jeux politiciens et nos médias dans les scandales ou le " tout va mal ! "
L'UE doit pouvoir se placer à un plus haut niveau et être l'institution qui transcende les clivages, qui propose des solutions, qui trace une ligne. Cela demande bien-sûr compétence, honnêteté, intelligence, coopération entre pays membres et un visionnaire en charge. Et il faut aussi que les jeunes puissent prendre en mains progressivement les rênes du pouvoir, tant aux niveaux nationaux que de l’Union Européenne.


Spring , initié en 2013 , est un Groupe de réflexion privé d’une douzaine de membres curieux et non résignés et d’une quarantaine de sympathisants qui partagent les mêmes préoccupations sur l’Europe .
Spring veut redonner aux citoyens l’élan nécessaire à la poursuite d’ideaux européens plus ambitieux .


Mars 2018

(1)Parlemeter 2017 A stronger voice , citizens’ views on European Parliament & the EU
(2)World Economic Forum Global Shapers Annual Survey 2017
(3)European Youth Forum : La vision de la jeunesse pour l’avenir de l’Europe – 2015
(4) Spring , un groupe de réflexion privé sur l’Europe ; analyse qualitative de 20 interviews avec des jeunes de 18 – 35 ans – 2017